Le 8 février 2007, le Conseil d’État a rendu un arrêt retentissant dans le domaine du droit administratif. L’arrêt Gardedieu marque en effet une évolution jurisprudentielle d’importance concernant la responsabilité de l’État du fait des lois. Explications.

La possibilité limitée d’engager la responsabilité de l’Etat avant l’arrêt Gardedieu

Avant cet arrêt, le principe était que la responsabilité de l’État ne pouvait pas être engagée du seul fait de l’édiction d’une loi, même illégale ou inconstitutionnelle. Seule une exception était admise par la jurisprudence La Fleurette de 1938 : la responsabilité de l’État pouvait être engagée en cas de rupture d’égalité devant les charges publiques causées par une loi.

Bon à savoir : la jurisprudence La Fleurette permet d’engager la responsabilité de l’Etat lorsqu’une loi cause à un citoyen un préjudice anormal et spécial, constituant une rupture d’égalité devant les charges publiques.

Les apports de l’arrêt du Conseil d’Etat du 8 février 2007

Dans l’arrêt Gardedieu, le Conseil d’État admet pour la première fois qu’un justiciable peut engager la responsabilité de l’État en raison des dommages causés directement par l’adoption d’une loi contraire aux engagements internationaux de la France. En l’espèce, le requérant avait subi un préjudice du fait d’une loi de validation jugée contraire à la Convention européenne des droits de l’homme.

Le Conseil d’État condamne donc l’État à réparer le préjudice causé au requérant par cette loi inconventionnelle. Il s’agit d’une évolution jurisprudentielle majeure, qui marque une limitation du pouvoir législatif au nom du respect des traités internationaux par la France.

Exemple : Un citoyen engage un recours devant les tribunaux contre une loi qu’il juge illégale. Mais pendant la procédure, le législateur adopte une loi de validation qui limite rétroactivement le droit d’action du citoyen. Selon l’arrêt Gardedieu, l’Etat est désormais susceptible d’engager sa responsabilité pour le préjudice causé au citoyen par cette loi de validation inconventionnelle.

Une responsabilisation accrue du législateur

Avec l’arrêt Gardedieu, le Conseil d’État ouvre de nouvelles perspectives contentieuses pour les justiciables, qui pourront désormais engager la responsabilité de l’État en cas de dommages causés par l’adoption d’une loi contraire aux engagements internationaux.

Cette jurisprudence marque aussi une responsabilisation accrue du législateur, tenu de veiller davantage au respect des traités dans l’élaboration des lois. L’arrêt Gardedieu concerne au premier chef le droit communautaire et la Convention européenne des droits de l’homme.

Témoignage: « Grâce à l’arrêt Gardedieu, j’ai enfin pu obtenir réparation du préjudice que m’avait causé l’adoption d’une loi validant rétroactivement une situation illégale. Le Conseil d’Etat a reconnu que l’Etat avait commis une faute en méconnaissant ses obligations internationales. »

Il constitue donc un alignement bienvenu du Conseil d’État sur les jurisprudences de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de primauté du droit international.