Le 12 février 1960, le Conseil d’Etat rend un arrêt historique consacrant la valeur juridique du préambule de la Constitution de 1958. En effet, la société Eky conteste deux textes instituant des contraventions pour usage de faux moyens de paiement. Elle saisit le Conseil d’Etat pour excès de pouvoir, estimant que ces textes violent l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, référencée dans le préambule constitutionnel.
Le Conseil d’Etat déboute la requérante mais reconnaît la constitutionnalité du préambule
Le Conseil d’Etat rejette les demandes d’annulation de la société Eky. D’une part, l’ordonnance contestée étant de nature législative, elle ne peut pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. D’autre part, le décret attaqué ne viole pas les articles invoqués de la DDHC et de la Constitution. Cependant, en confrontant ce décret à l’article 8 de la DDHC, la Haute Juridiction reconnaît implicitement mais définitivement la pleine valeur juridique du préambule constitutionnel. Elle soumet ainsi l’administration au respect de l’ensemble des textes référencés, enrichissant le bloc de légalité.
Bon à savoir : Le préambule de la Constitution de 1958 fait référence à la Déclaration de 1789, mais aussi au préambule de la Constitution de 1946 et à la Charte de l’environnement de 2005. L’arrêt Société Eky consacre donc également la valeur constitutionnelle de ces textes.
Cet arrêt met fin aux controverses doctrinales quant à la valeur juridique du préambule, du fait de formulations souvent vagues et générales. Le Conseil d’Etat clarifie définitivement ce point essentiel.
L’arrêt Société Eky clarifie les rapports entre loi et règlement
Par ailleurs, cet arrêt apporte des précisions essentielles sur les rapports entre la loi et le règlement. Le Conseil d’Etat confirme la distinction entre actes administratifs et actes législatifs. Il explicite également la répartition des compétences issue des articles 34 et 37 de la Constitution.
Ainsi, la création des contraventions relevant du domaine réglementaire, le décret contesté ne pouvait violer les articles invoqués. Cette répartition résulte du principe de séparation des pouvoirs cher à Montesquieu.
Exemple : L’article 34 réserve le domaine des crimes et délits à la loi. L’article 37 laisse les contraventions au pouvoir réglementaire. Le décret attaqué portant sur des contraventions, le Conseil d’Etat confirme qu’il relève bien du domaine réglementaire.
Une décision fondatrice du droit administratif français
En conclusion, l’arrêt Société Eky du 12 février 1960 rendu par le Conseil d’Etat est une décision majeure du droit administratif français. D’une part, elle consacre définitivement la pleine valeur juridique du préambule de la Constitution et des textes auxquels il renvoie. D’autre part, elle clarifie les rapports entre la loi et le règlement sous la Vème République. Ses apports demeurent fondamentaux dans le contrôle de légalité de l’action administrative.
Témoignage: « En tant que juriste, l’arrêt Société Eky a été une lecture fondatrice lors de mes études. Cette décision historique du Conseil d’Etat a forgé ma compréhension du cadre constitutionnel français et des mécanismes régissant l’élaboration des normes juridiques dans notre pays. »