La responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs a connu une évolution majeure avec l’arrêt Samda rendu par la Cour de cassation le 19 février 1997. Cet arrêt marque un tournant décisif dans l’objectivation de la responsabilité parentale au profit des victimes.

Un régime de responsabilité parental fondé sur la faute

A l’origine, en 1804, la responsabilité des parents était fondée sur une présomption de faute de surveillance ou d’éducation. Pour engager la responsabilité des parents, il fallait donc démontrer une double faute : celle de l’enfant d’une part, et celle des parents d’autre part. Ce système engendrait de grandes difficultés pour les victimes, confrontées à la double preuve de ces fautes. Dès lors, le principe de responsabilité parentale manquait singulièrement d’efficacité.

L’abandon progressif de l’exigence de faute

Soucieuse d’améliorer l’indemnisation des victimes, la Cour de cassation a progressivement assoupli les conditions de mise en jeu de la responsabilité parentale. Dans un premier temps, avec l’arrêt Fullenwarth du 9 mai 1984, elle a admis que le simple fait causal de l’enfant suffisait à engager la responsabilité de ses parents. Puis, dans l’arrêt Bertrand du 19 février 1997, elle a consacré une responsabilité de plein droit, making exonération de responsabilité parental impossible en l’absence de force majeure ou de faute de la victime.

La consécration d’une responsabilité objective avec l’arrêt Samda

L’arrêt Samda s’inscrit dans la lignée de cette évolution jurisprudentielle. En l’espèce, un adolescent avait causé des dommages à une voiture pendant qu’il séjournait chez son père dans le cadre de son droit de visite. La Cour de cassation a engagé la responsabilité de la mère, titulaire de la garde, au même titre que celle du père. Elle a ainsi consacré une conception abstraite de la cohabitation, faisant fi de la situation concrète.

Désormais, peu importe que l’enfant ne réside pas effectivement chez ses parents lors du dommage. La cohabitation procède de l’exercice de l’autorité parentale. Il s’agit d’une responsabilité objective, fondée sur le risque et détachée de toute idée de faute. L’arrêt Samda parachève ainsi la mutation du régime de responsabilité parentale au profit des victimes.

L’approfondissement de la conception extensive de la cohabitation

Par la suite, la Cour de cassation a continué d’étendre la notion de cohabitation, jusqu’à considérer que des parents pouvaient engager leur responsabilité même si leur enfant n’avait jamais vécu avec eux. Elle a également précisé que seul un transfert de garde par décision de justice pouvait faire échapper les parents à leur responsabilité.

Certains auteurs ont néanmoins critiqué ce dévoiement de la notion de cohabitation, devenu totalement abstraite. La condition de cohabitation semble avoir perdu sa raison d’être, tant elle est extensive. La doctrine appelle donc à la suppression pure et simple de cette condition anachronique.

L’impact de l’arrêt Samda sur l’évolution du droit

Avec l’arrêt Samda, la Cour de cassation parachève le mouvement d’objectivation de la responsabilité parentale, au seul profit des victimes. Les parents se retrouvent garants des faits de leur enfant, quand bien même ils seraient totalement étrangers à la réalisation du dommage. Si ce régime de responsabilité sans faute peut sembler sévère, il traduit une volonté affirmée d’accroître les chances d’indemnisation des victimes innocente. L’arrêt Samda marque une étape décisive de cette évolution, qui influencera durablement le droit de la responsabilité civile.