En 1998, Maurice Papon est condamné par la cour d’assises pour complicité de crimes contre l’humanité. En tant que secrétaire général de la préfecture de Gironde entre 1942 et 1944, il a activement participé à l’arrestation et à la déportation de nombreuses personnes d’origine juive, dont une majorité d’enfants. Un crime imprescriptible.

Une demande de garantie envers l’Etat

Suite à cette condamnation, Maurice Papon demande à l’Etat français d’assumer une partie des 4,7 millions d’euros de dommages et intérêts qu’il a été condamné à verser aux victimes. En effet, Maurice Papon estime qu’outre sa responsabilité personnelle, l’Etat porte également une responsabilité dans ces actes criminels.

Bon à savoir : la garantie accordée par l’Etat à ses agents en cas de condamnation civile s’appelle la protection fonctionnelle. Elle permet à l’agent public de ne pas assumer seul les conséquences financières d’actes commis dans le cadre de ses fonctions.

La reconnaissance d’une double faute

Le Conseil d’Etat, saisi de cette demande, reconnaît dans son arrêt du 12 avril 2002 l’existence d’une double faute à l’origine de ces déportations et de ces morts. D’une part, Maurice Papon a personnellement commis des actes inexcusables en orchestrant l’arrestation de 76 juifs, dont de nombreux enfants, avec un zèle particulièrement actif. Mais d’autre part, l’Etat français et son administration ont aussi leur part de responsabilité dans la mise en place du camp d’internement de Mérignac et dans l’assistance apportée aux forces d’occupation allemandes.

Par exemple, dès octobre 1940, le préfet de Gironde avait le pouvoir d’interner les ressortissants étrangers de « race juive » dans le camp de Mérignac. De même, un service des questions juives a été créé au sein de la préfecture pour recenser et surveiller les Juifs du département.

Le partage des responsabilités

Compte tenu de ces deux fautes, le Conseil d’Etat décide de partager la charge financière des réparations. L’Etat est ainsi condamné à payer la moitié des dommages et intérêts dus par Maurice Papon, soit près de 2,4 millions d’euros. Ce partage à 50/50 traduit la volonté du Conseil d’Etat de reconnaître pleinement les torts de l’Etat français dans la déportation des Juifs sous l’occupation, mettant fin à des décennies de déni.

« Je salue cette décision qui répare enfin le préjudice subi par ma famille. Même si l’Etat ne reconnaît sa responsabilité qu’à moitié, cela envoie un signal fort sur le devoir de mémoire », réagit Jean N., fils d’une victime déportée par le convoi organisé par Maurice Papon en 1942.

Cet arrêt marque un tournant décisif dans l’indemnisation des victimes de la Shoah et dans la responsabilité de l’Etat français pour des actes commis sous le régime de Vichy. La justice impose enfin à l’Etat de regarder en face son passé et de réparer les fautes commises par son administration. Près de 60 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, cet arrêt tourne une page sombre de l’histoire de France.